J’ai rencontré Jordi Molla pour la première fois début février à Mexico city. J’avais rendez-vous au Ritz-Carlton pour le vernissage organisé par mon ami Jack Helfon, dans le cadre de Zona Maco, la foire internationale d’art contemporain la plus courue d’Amérique latine. Après avoir échangé brièvement sur différents sujets, c’est à Madrid que je retrouve Jordi deux semaines plus tard, le temps d’un cocktail , dans son atelier situé à quelques mètres du parc du Retiro. Considéré comme l’un des acteurs espagnols modernes les plus prolifiques et les plus recherchés sur la scène du cinéma international, Jordi Molla a pendant plus de vingt ans, incarné de multiples personnalités créatives : acteur, écrivain, metteur en scène et peintre. il est un artiste- peintre autodidacte qui transmet des océans d’images de son esprit à la toile et à une foule d’installations de nature vaste et variée. Bien que certaines de ses œuvres puissent sembler spontanées et créées dans un laps de temps limité, un grand nombre d’entre elles, très recherchées, ont demandé à l’artiste de nombreuses années de travail. Il revient sans cesse sur une œuvre, y ajoutant des idées, des couleurs, des sentiments et des univers d’expérience dans une nouvelle unité de temps, enrichissant ainsi l’œuvre d’art, lui donnant un souffle et une vie renouvelés.
C’est dans sa spacieuse et belle cuisine, que nous nous installons autour de deux verres d’eau bien fraîche, accompagnés d’un fond sonore de jazz des années 60, émis par son iPhone, que Jordi s’apprêtait à m’en dire plus sur sa démarche artistique.
D’où te vient ton inspiration lors du processus créatif d’une toile ?
Je la puise dans le monde qui m’entoure et je m’imprègne du kaléidoscope de goûts, de textures, d’arômes, de personnalités et d’expériences externes pour donner un sens à mon œuvre.
Pendant la pandémie tu as réalisé une série de masques en NFT qui a été classée 26e sur OpenSea. Comment as-tu atterri dans cette bulle ?
je me suis intéressé au NFT tout simplement parce que je viens du digital, je veux dire du cinéma, et donc de la 3e dimension.. j’ai rencontré une équipe qui après plusieurs rendez-vous, m’a convaincu de mettre en avant mon travail sur OpenSea. Je leur ai donc proposé une série de masques que j’avais créée pour la biennale de Venise, une centaine de masques que j’avais peints, malheureusement le projet n’a pas abouti.. Miraculeusement sur OpenSea ça a beaucoup plu et plutôt bien fonctionné.
On travaille sur le deuxième “drop” qui va s’intituler: “the Man behind the Mask”, ensuite peut-être ce sera ” The Soul behind the Mask”. Pour ma part, être présent dans cette bulle spéculative c’est comme vendre des oignons, faut pas que que ce soit trop sexy pour en vendre.
Où peut-on voir des œuvres, Foire d’art contemporain, galerie ?
Je ne travaille pas vraiment avec des galeries, ou les foires d’art, je suis plus sur la dynamique du présent, une exposition dans un parking, un strip club etc.. J’ai été exposé il y a quelques années à Arco Madrid, mais pour moi c’est comme si tu étais nominé pour un Oscar. Ce que je veux dire c’est, j’ai des amis qui ont gagné un Oscar , cependant le crédit de l’Oscar va durer un an et demi et ensuite faut y retourner car il y aura toujours un challenger. C’est un peu du cannibalisme.
Quand as-tu commencé à peindre ?
Faire des films c’est un peu une prison, et du coup pour moi peindre c’est organique car j’ai toujours voulu être libre dans tout ce que j’entreprenais. J’ai commencé à peindre quand j’étais à Paris lors du tournage du film “La Cible” avec Hippolyte Girardot, Anémone, Jean-Claude Dreyfus etc.., c’était mon deuxième film en France.
J’avais 27 ans, j’habitais alors dans un petit hôtel à côté du théâtre de l’Odéon, j’avais beaucoup de temps libre et je me sentais terriblement seul car je ne connaissais personne à Paris et en plus je ne suis pas la personne la plus sociable.
Le jour où je ne tournais pas, je me demandais ce que je pouvais bien faire, j’ai commencé par écrire un premier roman, dont j’ai vendu 10.000 exemplaires, et ensuite je me suis mis à peindre dans ma petite chambre dans cet hôtel qui disposait d’une jolie table. Ça a certainement un côté romantique.
A 32 ans, en Espagne quand j’étais sous les feux des projecteurs, je ne souhaitais pas du tout faire savoir que j’avais déjà peint beaucoup de toiles chez moi.. Une galerie de Madrid a je ne sais comment eu l’information, et après avoir bien insisté j’ai fini par accepter de montrer mes créations lors d’un vernissage. Les médias s’en sont donnés à coeur joie.. c’était pas comme aujourd’hui où les gens (acteurs, réalisateurs) sont pluri-disciplinaires. Après quelques années, je me suis imposé dans ce milieu après un long baptême de feu, si je puis dire.
Ton style se rapproche plus d’un Matisse, Basquiat, Goya ?
Tu sais pour moi c’est juste des noms,.. Les références, les sources sont multiples, je ne réponds pas à cette question car le lecteur peut avoir une idée spécifique à propos de moi et de mon travail qui ne reflète pas exactement qui je suis. Je dirai que je fais plutôt dans l’abstrait, mais au début j’utilisais une palette de quatre couleurs. Au fil de mes voyages, j’ai élargi mon champ d’actions, par exemple je devais me rendre dans je ne sais quel pays et j’ai demandé à mon contact sur place quelle était la couleur dominante au niveau des voitures ou la tenue vestimentaire. Je reste définitivement ancré dans ce qu’on va appeler un style classique, avec une touche personnelle à un instant précis. Je dirai que mon approche artistique serait plus du côté de la sophrologie.
C’est quand ton prochain show ?
Ce sera un solo show à Mexico City, je ne travaille pas avec une galerie, mais avec quelqu’un qui a un espace où se tiendra le show. Et ensuite direction Tokyo. Ravi d’avoir passé ces quelques heures en ta compagnie.
Texte : HARVEY AMBOMO /// Photos: JORDI MOLLA
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